Aller au delà de ses limites. Escalader l’interdit. C’était la seule chose qui rimait durant ses premières années au lycée. Faire le con. Déconner avec les potes. Ne rien prendre au sérieux. C’était n’importe quoi. Sa vie ne rimait à rien. Quand on lui demandait ce qu’il voulait faire, Archie n’avait aucune ambition, aucune motivation.  Il ne pensait qu’à s’amuser. Il ne prenait pas au sérieux sa vie, son avenir. Il était bon élève mais trop fainéant. Il préférait passer ses weekends à faire la fête et n’avait jamais la tête à travailler. Son père avait beau lui faire la morale, le punir, Archie était égal à lui-même. Il se cherchait, il cherchait à être heureux, à ne penser à rien. Il avait l’impression d’être libre comme ça. Il noyait ses problèmes dans l’alcool des samedis soirs et le lendemain il arpentait les grands couloirs de l’immense maison dans laquelle il vivait avec sa sœur et son père, ayant perdu sa mère alors qu’il n’avait que sept ans. Elle était le rayon de soleil ici. Au moins quand elle était là, son père était là. Mais depuis que ce dernier estimait que Mara, la petite sœur d’Archie et Archie étaient assez grands pour s’assumer, il les avait délaissé. Archie n’était pas vraiment le frère modèle. Il demandait parfois à sa sœur de le protéger quand il faisait le mur. Archie s’en voulait de ne pas être un modèle pour sa sœur. Il aurait voulu lui montrer le bon exemple mais il faisait tout le contraire. Combien de fois sa sœur l’avait surpris escalader le mur alors qu’il ne tenait plus debout ? Archie avait honte. Honte de lui. Mais il continuait ses conneries. Il ne trouvait bientôt plus aucun plaisir à fumer des joints, à boire jusqu’à en être presque malade. Mais il s’en fichait. Les gens l’aimaient comme ça. Ses amis l’aimaient comme ça. Personne ne le comprenait, même lui ne se comprenait pas. Il avait tout pour réussir mais plus les mois défilèrent et plus ses notes dégringolèrent. Il était toujours assez bon mais il n’était plus aussi bon qu’avant. On s’inquiétait de sa réussite future. Ses professeurs, son père. Sauf lui. Archie se disait qu’au pire, si il foirait tout, il plaquerait tout. L’école, sa vie ici, sa famille et ses amis. Mais il se rendait compte qu’il était tellement sur un autre monde qu’il en oubliait qu’il avait une petite-sœur qui elle, serait abandonnée. Archie avait commencé à se calmer pour elle. Il essayait de s’occuper plus d’elle et voulait la protéger de ce qu’il l’entourait mais aussi de lui. Il s’était toujours dit que sa mission serait de la protéger. Mara, c’était tout ce qu’il lui reste. Leur père, lui, n’était pas très présent. Il leur nourrissait leur compte en banque mais faisait acte de présence que très rarement. Du moins trop pour se rendre compte que son fils était en train de déraper jusqu’au jour où…

Archie avait encore été plus loin. Il avait joué à un jeu d’alcool jusqu’à cinq heures et en rentrant chez lui, il eut du mal à trouver la serrure et quand il ouvrit la porte, il tomba nez à nez avec son père. Il n’avait jamais vu son père aussi en colère. Il avait les cheveux ébouriffés, portait son vieux pyjama et avait les bras croisés contre son torse. Archie se sentit con et se sentit surtout honteux. Honteux d’être dans cet état pitoyable devant son père. C’était probablement le moment dont il avait eu le plus honte dans sa vie. Il n’avait pas osé dire quoi que ce soit durant toute la tirade moralisatrice de son père. Qu’est-ce qu’il allait devenir si il continuait comme ça ? Pas grand-chose. Qu’est-ce qu’il trouvait de bon là-dedans ? Il ne savait même pas. Qu’est-ce qu’il cherchait au juste ? Il se cherchait, mais il ne se trouvait toujours pas. A quoi il s’attendait bon sang ? A être heureux, à oublier tous les problèmes. Depuis combien de temps ça durait ? Depuis qu’il avait rencontré ses soi-disant nouveaux potes au lycée. Pourquoi ne lui avoir rien dit ? Parce qu’il n’était jamais là. C'est un bon exemple pour Mara ? Non, probablement pas. Et toi papa, c'était le bon exemple celui du père absent ? Archie n’avait plus le droit de sortir, plus le droit de voir ses amis. Il avait intérêt à remontrer ses notes parce qu’il ne lui restait que jusqu’à l’année prochaine pour présenter un dossier parfait. Alors il dut se mettre au travail. Rattraper son retard. Il dut supprimer les contacts de ses anciens amis et dut tirer un trait sur les soirées du samedi soir. Il devait s’occuper de Mara, s’assurer qu’elle travaillait bien et elle, elle devait s’assurer que son frère ne retombe dans ses vieux démons. Archie redoubla d’efforts si bien qu’il réussit à redevenir le bon élève d’avant. Il avait pris conscience qu’il ne pourrait plus noyer ses problèmes dans ses conneries. Qu’il n’avait plus à braver l’interdit pour se sentir vivant et même si il pouvait vouer une haine contre son père du fait de son absence insupportable, c’était grâce à lui qu’il avait pris conscience que ce qu’il faisait avant n’allait pas l’emmener très loin.


C’est vers la fin de l’année, à l’approche de ses examens que son père présenta sa nouvelle « femme ». Il n’en avait jamais parlé à ses enfants et un jour, se présenta comme une fleur avec cette « garce » comme la surnommait si bien Archie qu’il comptait refaire sa vie. Archie ne pouvait pas la blairer. Elle était superficielle, parlait aux gens comme si ils étaient des abrutis et Archie pensait qu’elle n’était intéressée que par le fric de leur père. Elle n’aimait ni Archie ni Mara. Elle avait essayé de se les mettre dans la poche mais en les voyant réticents, elle avait fini par laisser tomber. C’est parce qu’il ne supportait plus qu’elle vive sous leur toit que dès qu’Archie obtint son diplôme du secondaire, il demanda à quitter le nid familial. Bien sur, il ne le faisait pas de gaité de cœur. Il ne voulait pas laisser sa petite sœur avec cette garce mais il avait l’impression de devenir fou avec la nouvelle femme de son père dans les parages. Durant les vacances d’été, Archie crut qu'il allait péter un plomb. Elle invitait ses copines et Archie les entendait pialer de sa chambre même si sa porte était fermée. Quand il la croisait et qu’elle lui faisait un sourire, Archie ne pouvait pas s’empêcher de l’ignorer. Toutes les attentions qu’elle portait à son père, Archie était dégouté. Elle était si différente de leur mère, comment son père pouvait tomber amoureux de ça ? Il ne pouvait plus les voir se bécoter comme des gamins de quinze ans. C’est pour ça qu’il préféra prendre ses distances avec le domicile familial. Il promettait à sa sœur de venir la voir régulièrement sachant qu’elle était la bienvenue chez lui. Mais il ne s’en rendait pas compte qu’en quittant la maison familiale, sa sœur allait autant lui pourrir la vie. Parce que c’était un peu à partir de là qu’elle commença à lui faire payer que ce qu'elle supportait quotidiennement entre son père et sa nouvelle ‘femme’ mais aussi elle lui faisait endurer ce qu’elle avait elle-mêe vécu quand Archie traversait sa ‘mauvaise période’.