WE'RE A BOX OF SOUVENIRS

Elle est sur le point de l'appeler, elle appuie le numéro sur les petits touches de son portable, mais au dernier moment raccroche. Jack n'était pas une figure de courage, au contraire, elle faisait preuve de lâcheté, lâcheté qu'elle n'avait jamais eu dans le passé. Mais tout était différent, elle avait quitté ses parents, ne les avait plus jamais revu, et son frère, et le fait de ne même pas pouvoir l'appeler la rendait folle. Il avait toujours été là pour elle, jusqu'il y a un an, seulement parce qu'elle avait voulu prouver son âme de rebelle et lui claquer la porte au nez, énorme erreur, erreur qu'elle ne pouvait se pardonner. Cependant, il lui avait également envoyé des insanités à la figure, et depuis ils se comportaient comme de vrais gamins, elle en avait honte. Jack voulait pouvoir s'excuser, lui dire qu'en ce moment l'écriture ça n'allait pas, mais elle savait très bien ce qu'il lui dirait et ces mots raisonnaient toujours dans sa tête, tellement qu'elle poussa son téléphone et se laissa tomber dans son fauteuil préféré. Ses colocataires n'étaient pas encore là, ou peut-être que si, elle s'en fichait. Elle avait vingt-six ans et n'était même pas foutue de se prendre un appartement, mais cette ambiance lui plaisait, il y avait toujours quelqu'un, quelque chose à faire, et la solitude la tétanisait. Après la grave dispute avec son frère, elle n'avait pas supporté d'être seule, qu'on lui en veuille de tous les côtés et s'était ensuite réfugiée ici, dans ce petit endroit qui lui plaisait de plus en plus. Bristol était grand, et elle adorait ça, mais parfois elle se sentait confinée dans son monde, mais perdue dans cette ville qui lui servait de maison depuis vingt-six ans. Elle prit son ordinateur à côté d'elle, et regarda la page blanche, elle posa délicatement ses doigts sur le clavier et attendit, comme elle attendait déjà depuis quatre ans. Résignée, elle se força à réfléchir, comment parler d'une histoire si similaire à la sienne ? Comment parler de famille alors qu'elle n'avait plus vraiment la sienne ? Elle posa l'engin à côté d'elle et souffla, elle se leva et se dirigea vers le frigidaire où elle sortit une paire d'oeufs et la bouteille de lait. Tout ce qu'elle pouvait faire maintenant, c'était cuisiner. L'effet placébo à ce qu'il paraît. « No, not again Jack. » Elle sursauta au son de la voix de Miri, l'un de ses colocataires et celle qui était devenue sa meilleure amie. Jack la regarda d'un air implorant, en une semaine elle avait dû cuisiner plus d'une centaine de pancakes, faute de ne pas savoir faire autre chose. « I'm sorry, but I just feel like we don't have enough for the weekend. » Son amie se gratta le front et s'assit sur la chaise en face d'elle. « This is an intervention Ainsworth. You have to do something for your writhing problem, go to a club, to a therapy, I don't know, but for the love of god, stop cooking. Please. » Jack le prit mal, elle avait développé une certaine marge de susceptibilité et lorsqu'on l'on en venait à sa maladie, elle ne supportait pas qu'on tente de l'aider. Elle avait déjà tout tenté, elle n'avait certes pas fait face à ses problèmes, mais elle refusait de le faire, par fierté et orgueil. Elle se renfrogna et pris la cafetière à côté d'elle, et d'un grand mouvement, elle la fit tomber. « You think I didn't try ? I'm not a freak, I just need time and if I want to cook, I cook, this apartement, also belongs to me, I pay the bills, so I do whatever I want with the kitchen, if I want to cook, I cook. If someone has a problem with that, he should deal with it. » Puis elle sortit et alla dans sa chambre, comme une gamine, une petite adolescente perdue, parce qu'au fond c'était ce qu'était Jack.

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Assise en face de son bureau, elle sent sont cœur battre fort, trop fort. De peur qu'il entende, elle se tourne vers la fenêtre et y voit quelques toits en briques, et un jolie balcon au loin. Il lui est impossible d'ignorer son regard pesant, insistant, elle sent le rouge lui monter aux joues et dans un dernier élan de courage, elle tourne la tête vers la sienne, et yeux dans les yeux, ils restent ainsi pendant quelques secondes. Il veut son roman, elle veut pouvoir être libre et se débarrasser de cette maladie qui s'est accaparée de son imagination, pourquoi ne peut-elle pas écrire alors que l'histoire est gravée dans sa mémoire ? Elle secoue sa tête, laissant ses boucles noires voler au gré du vent, elle espère peut-être pouvoir l'attendrir, après tout elle est la victime de son propre esprit, mais toujours aussi sérieusement il croise ses mains au-dessus de son bureau, et continue à la regarder si intensément, qu'elle se sent obligée d'exploser. « I'm such a cliche, I know, I know I should have called, but I thought it wouldn't be that... important. I mean every author has once had the blank page syndrom. » Il lève les yeux au ciel, la réaction qu'elle avait tant redouté, difficilement elle tente d'avaler sa salive et fait un petit sourire, ce sourire qui a tout d'un sourire crispé. Elle attrape la petite statut de meilleur éditeur posé sur sa table et commence à jouer avec dans l'espoir de pouvoir entendre une réponse de sa part dans les prochaines secondes. Il se réappuie contre son fauteuil et souffle, comme il le fait toujours quand il est face à un problème, en général le problème n'était pas elle. Pourtant, maintenant elle l'était devenue, elle avait signé pour une second livre qu'elle aurait dû écrire dans les quatre années précédentes, seul problème, c'est qu'elle n'arrivait plus à écrire. Elle se gratte le front, comme elle faisait toujours depuis cet incident gênant où elle resta plus de deux heures bloquée devant son ordinateur pour la première fois. « Jack I need this book, the safety of this company relies on it, if it's a hit as the other was, and I have no doubts on that, we could safe your reputation as an author and also my beloved company. » Jack sent un rictus mauvais se former sur ses lèvres, bien entendu qu'il veut son livre, il est intéressé par l'argent qu'il pourrait lui apporter, rien d'autre. Elle n'a jamais su comprendre, elle l'a toujours trouvé (séduisant) trop séduit par l'argent (et trop peu par elle), alors qu'elle elle ne voulait qu'écrire. Sa réputation lui importait peu, le prix nobel n'était de toute façon pas à sa portée, alors à quoi bon ? Elle voulait juste pouvoir transmettre des émotions par ses écrits, et la chose la plus frustrante était qu'elle ne pouvait plus le faire. Elle sent un poids énorme s'affaisser sur ses épaules. « I started cooking, it helps.. I guess. » Il baisse ses mains en signe de défaite, et lève à nouveau les yeux au ciel. Avec elle, il ne savait pas comment réagir, à chaque fois elle le faisait sortir de ses gonds, et il ne comprenait pas pourquoi. « I guess it's a start. Why do I have to work with authors ? They're the biggest hipsters in the world. » Elle lui tire la langue, et se lève, elle voulait absolument sortir de ce bureau, elle ne savait pas pourquoi, ni comment, mais quelque chose chez lui la rendait folle, peut-être la colère ou la frustration de ne pas pouvoir lui donner ce qu'il voulait désespérément, un livre. Jack gambade jusqu'à la porte renversant en chemin une pile de feuilles, s'excuse maladroitement et sort. Elle pose ensuite sa tête contre la porte et expire longuement. Elle devait écrire ce livre, maintenant. Ce que lui faisait ressentir cet homme n'était pas normal, du moins pas pour elle, et plus vite elle écrivait, plus vite elle s'en débarrassait.